
Et ça commence très fort. Très très fort. Scène baroque, apocalyptique, avec décors à la fois gigantesques et ridicules (merci le carton-pâte), barbares d'un futur post-nuke qui errent à quatre pattes, et puis... Un narrateur, pinté à l'Armagnac Vermouth, qui déclâme son texte de la pire façon qui puisse exister. A côté, Plus Belle la Vie ressemble à un affrontement entre Kenneth Branagh et Laurence Olivier. Et surtout, à côté, Johnny s'exprime avec l'aisance de Bernard Tapie, c'est dire. Tiens, Johnny, justement. Il apparaît tel un héros, blond peroxydé à bouclettes, yeux plus maquillés qu'un tapin du dixième, il lève la main sentencieusement et deux hommes prennent feu sur scène. C'est à la parfaite frontière entre l'impressionnant et le kitsch terminal. Débute enfin le concert, où pour être tout à fait franc, à ce moment précis on préfèrerait être ailleurs : sur le Titanic, à un meeting d'Arnaud Montebourg, dans un sauna avec Magloire, à un concert de Vincent Delerm. Tant qu'on échappe à ce qui s'annonce un supplice.

Affligeant comme par exemple ce combat au bout de trente minutes qui est un summum du comique. Armés de haches en papier alu, quelques vils gredins veulent scalper Johnny. Au rythme d'une chorégraphie X-Or, ponctuée par les haches qui s'entrechoquent au bruit de deux fourchettes clinquantes, Ah Que effectue des simples saltos avant que même Pierre Fulla a déjà vu mieux, massacre les pestillentiels furoncles, puis est capturé par un noir balèze qui lui entaille les biceps à coups de gelée de groseille. Poussant un dernier râle (ça donne à peu près : "meuaaaaaaah" mais je ne garantis pas qu'il n'y ait qu'un seul h), Johnny, la choucroute garnie teintée à la sueur véritable, le rimmel dégoulinant, le torse maculé de confiote, s'en va chanter une ballade (signée Nicolas Peyrac) en hommage à Nathalie Baye. C'est comme si en plein film d'Albert Pyun, Jean-Claude Van Damme chantait du Pascal Obispo (donc moins bien que Peyrac). Pas mieux pour la reprise du... second mouvement de la 7ème de Beethoven ! Sacrilège ! Pardon, c'est Johnny : sacrilèèèègeuh ! Quitte à citer Ludwig, soyons honnête : on est plus proche du pathétique.

Reste un autre problème qui vient noircir le tableau : il n'y a pas que les barbares de mes deux et les chansons de tonton Georges qui aient vieilli. La technique a aussi très méchamment morflé. Passons rapidement sur le fait que le concert ait été filmé pour une célèbre chaîne de télévision de droite, et donc que certaines transitions soient faites à la hache (réelle, elle). L'image est une vidéo qui a plus passé que Zara Whites dans sa jeunesse : il n'y a aucune vraie couleur, la définition est risible, Guy Job a essayé d'en faire un bon (...allez, cherchez...) mais parfois se prend pour Gérard Capuccino (le roi des montages bien corsés), et surtout encore une fois on a droit à un simulacre de réalisation, avec un mot d'ordre : Johnny est un dieu, le reste ne sont que cafards puants (même s'ils s'appellent Mort Shuman ou Gilbert Montagné, qui encore une fois ne pourra pas se voir dans le poste ! ;-) Donc il vous faut attendre QUINZE MINUTES (je vous jure que c'est vrai) pour avoir le premier plan taille (pas un seul gros plan de musicien en deux heures) d'un zicos autre que Johnny. Vous ne verrez jamais le batteur, le bassiste est caché, c'est une horreur. Quant aux claviéristes, on a l'impression qu'ils ont la lèpre, tu sais... On voit beaucoup plus le public, dont un gros plan (là oui, hélas) de trente secondes d'un jeune homme qui se fait plus que méchamment chier et qui fera rire les plus sarcastiques d'entre vous.
Le son n'est pas mieux : étouffé à un point qu'on se demande si William Leymergie n'est pas derrière, il est en quasi-mono, et seule la voix ressort à peu près proprement (ça t'épate Pat ?). On a un 5.1 inexistant, et un DTS qui est toujours ce même petit mono ridicule avec un atome de poil de chouia de réverb factice sur l'arrière qui rend le tout un peu plus écoutable. C'est d'autant plus dommage, cette technique catastrophique, que côté mise en scène c'était assez impressionnant pour mériter une plus belle postérité (ridicule et mégalo ne comptent pas), et que la setlist nécessitait mieux que cette bouillie qui rend le concert soniquement plat comme une limande. L'acheteur pourra donc se sentir légitimement frustré : certes, il se sera bien poilé, mais il y avait bien plus que de la merde en barres dans ce show, et il ne pourra pas en profiter. Et la mauvaise réputation de ce DVD de continuer son petit bonhomme de chemin, un peu égratignée, mais pas tout à fait morte. A peine de la gelée de groseilles à la commissure des lèvres.
, qui a un peu déconné sur la longueur de la chronique, non ?
06-12-2007
Johnny Hallyday - Chant, guitare
Alain "Doudou" Weiss - Batterie
Lu-Lu Di Napoli, Jean Mora, Barney, Taoby, Jean Renard - Claviers
Pierre Billon - Percussions
Erick Bamy, Jacques Ploquin, Pierrette Bargoin, Deborah Davis, Joniece Danison - Choeurs
Jean Costa, Nicolas Payn, Michel Gaucher (yes !), Alain Athot, Kako Bessot, André Laidli, Christian Fourquet, Claude Thirifays, Jacques Hendrix - Cuivres